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Plus jamais ça.

Tout se tisse et se mélange. J’écoute à nouveau Bar Kokhba, sublime album de John Zorn et du Masada Chamber Ensembles. Et je crois me souvenir d’une lecture wikipédienne : plus jamais ça viendrait de « Plus jamais Massada ne tombera ». Mot d’ordre antifasciste, mythe sioniste, devise colonialiste, vœu, prière ou promesse, appel de l’humanité meurtrie à l’humanité meurtrière pour la fin des génocides, parole vidée de son sens ?

J’ai lu ce soir la Réponse collective à une infamie : Sur l’accusation d’antisémitisme portée contre la France insoumise (archive), texte nécessaire qui saura je l’espère trouver un écho ailleurs que dans la relative confidentialité d’Au Poste.

Ce texte aborde sous l’angle du « plus de raison possible » le procès en infamie que portent nombre de médias – à l’unisson de la grande majorité de la représentation politique, dont on attendait plus rien mais qui fait ici la preuve renouvelée de son ordurière pratique du calcul politicien – à la ténue lueur d’espoir démocratique que représente en ces jours sombres le fragile Nouveau Front populaire.

Beaucoup lire aide à comprendre. J’ai lu ; je comprends mieux. En vert, quelques modifications à ce texte, formulées les 20 et 22 juin.

Une relecture plus attentive, augmentée d’un texte de Joseph Confavreux, L’antisémitisme, fléau et piège de campagne, d’un échange avec Jean-Luc et de quelques threads sur X, me fait largement relativiser la qualité du texte.

Le « plus de raison possible » manque en effet singulièrement de précision. Beaucoup d’oublis, jusqu’à des éléments d’une innocence étonnante, voire carrément coupables. Sur Guiraud, par exemple, qu’il est hors de question de dédouaner et qu’il faut virer urgemment.

Il va sans dire, et mieux en le disant, que toute forme d’antisémitisme dans nos rangs doit être rendue impossible et affirmée comme insupportable. Si des petits malins adeptes du dog whistle jouent avec le feu, qu’ils et elles soient dégagées promptement, par simple mesure d’hygiène ou par principe de précaution. Tout comme du point de vue des violences et harcèlements sexistes et sexuels, des diverses corruptions et délits dont se rendent encore trop souvent coupables certain⋅es représentant⋅es, l’intransigeance n’est pas une option.

Gaza après le 7 octobre est un film « écrasant, effroyable » (Rony Brauman). Sans doute indispensable, comme le sont Shoah de Lanzman, ou Duch de Rithy Panh (différemment évidemment ; ce qu’on y voit n’a pas la réflexivité ni le filtre de la mémoire). Tous presque insupportables à mes yeux mais nécessaires pour percevoir l’ampleur de l’abomination dont l’homme est capable, et produire peut-être la prise de conscience de l’horreur qui a lieu là-bas ; en ce moment-même. Alors, inch’allah-qui-n’existe-pas, nous permettre de mesurer la dissonance entre l’urgence d’arrêter le massacre et les ignominieuses calomnies * opposées aux trop rares voix qui s’élèvent en soutien du peuple palestinien.


Suite à la vision horrifique du film Gaza après le 7 octobre.

Comment nier, ou seulement minimiser, la responsabilité effroyable de l’état israélien et de ses appuis « inconditionnels » ? Comment pouvons-nous la supporter, l’encourager même. Livrer des armes, atermoyer, négocier du bout des lèvres, détourner le regard. Comment ne pas hurler ?

Comment l’état d’Israël pourrait-il cesser le feu, tant il a déjà injecté dans les corps mutilés des enfants palestiniens les germes d’une haine qu’on ne peut imaginer qu’irrépressible et totale. Comment pourrait-il « s’arreter en chemin » tant les discours effroyables de ses dirigeants, de ses soldats le poussent à l’accaparation de leurs terres, de leur villes, à la destruction aussi systématique de la vie de tout un peuple. Comment pouvons-nous accepter cet inéluctable ? Pourquoi nos corps et nos cris ne sont-ils pas tous tendus vers la nécessité immédiate d’un arrêt des bombardements, des exactions, des massacres, de l’exil forcé, de la famine organisée, de la destruction programmée de toute existence palestinienne sur le sol palestinien.

Comment ne pas imaginer la certitude pour les palestinien⋅nes d’une légitimité de la vengeance ? Combien de temps tiendra le dôme de fer capable d’empêcher cette vengeance si un·e seul·e parmi ellles et eux survit ? Comment la haine ne pourrait-elle pas être le réflexe le plus incontrôlable, quand moi-même, si paisible et mesuré, à la seule écoute des paroles de ces ministres, de ces rabbins, de ces soldats ou de ces journalistes israéliens, la brûlure de la rage me saisit.

Comment cette monstruosité ne pourrait-elle pas impliquer que naissent des monstres ? À ce jour, il me semble qu’Israël s’est perdu, a sombré dans l’abîme et ne s’en relèvera peut-être jamais –pas avant des dizaines et des dizaines d’années, et encore seulement au prix d’un travail de justice et d’un devoir de mémoire que devra partager l’occident tout entier.

Si le peuple palestinien survit, s’il trouve les moyens de taire à jamais le monstre qu’on aura fait naître en lui, il sera la preuve que l’humanité mérite son nom. En attendant, elle est loin du compte.

Je laisse ça ici, conscient de l’inocuité de ma colère.

PS. Pour revenir à ce qui débutait de billet, le texte des Mutins de Pangée, qui diffusent gratuitement le film, est très juste :

Nous ne trouvons pas les mots à opposer à la mauvaise foi […] où les réalités sont niées avec aplomb, voire même, carrément justifiées ouvertement avec mépris, insultes et menaces, par des criminels de guerre et leurs complices, qui osent salir les morts qu’ils engendrent, mais aussi la mémoire des victimes de l’antisémitisme dans l’histoire, en usant de cette grave accusation à tous propos dans le but de faire taire toute contestation. Ces images témoignent pour que ça cesse, avant tout.