Mauvaises graines
C'était rageur, endiablé, violent même, mais aussi doux et enveloppant, frissonnant.
Warren Ellis est un démon sauvage. Debout sur une chaise dos au public, le violon chargé d'électricité, lamentablement affalé sur son mini synthé, ou courbé jusqu'à terre, la guitare au niveau des genoux, raclant en boucles ses riffs (Jubilee Street). Il est l'ombre, le mauvais génie, mais aussi l'orchestrateur savant et le maître du son, beau comme un dieu grec.
Nick Cave est invraisemblable. Hurlant et sautant partout, déglinguant micros, pied de micro, furieux et terrifiant (From Her to Eternity) quelques secondes après nous avoir fait chanter comme une chorale d'enfants de chœur (O Children). Le charme trouble et désuet d'un parrain de la mafia melbournaise, gominé et encostumé. Fou.
Et le chœur. Gospel et symphonique, plein de groove et de grâce, indispensable. Les mauvaises graines ? Parfaitement capables d'ensemencer le rock.
Deux heures et demie, pleines d'extraits de son dernier Wild god (Joy, à te faire pleurer), mais généreuse de classieux classiques : Red Right Hand, Papa won’t leave you Henry, The Weeping Song. Et The Mercy Seat, évidemment — on peut pleurer sur The Mercy seat ; j'ai déjà vu ça.
Finale ? Into my arms. À te foutre les poils. Sur un souffle, un soupçon de soupir, une inflexion infime, la voix t'emporte et te chavire.
C’était un beau moment ; merci, mercy.
Chance rare, on peut réécouter le concert à l’envi.